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La Confrérie Notre-Dame, fondée par Gilbert Renault en 1940, fut l’un des plus grands réseaux de renseignement de la Seconde Guerre mondiale.
Elle transmit à Londres des milliers de rapports qui permirent au BCRA et à l’état-major allié d’évaluer les forces allemandes, de préparer les bombardements stratégiques et d’organiser le Débarquement.
Ce réseau fut aussi une communauté de foi, d’hommage, d’intelligence et de risques, formée d’hommes et de femmes dont l’engagement dépassait l’entendement.
Les Decker — Maisie Renault, Madeleine Cestari, René, Jacques et Jean — ainsi que d’innombrables anonymes, y jouèrent un rôle décisif.
Ce chapitre retrace cette épopée clandestine qui marqua l’histoire de la Résistance française et l’identité profonde de la famille.
La création de la Confrérie Notre-Dame n’est pas seulement un fait militaire. C’est un geste spirituel, un acte intérieur issu d’un homme, Gilbert Renault, dont la conscience refusait d’accepter l’effondrement moral et politique de 1940.
Il est difficile d’imaginer aujourd’hui ce qu’il fallut de courage et de lucidité pour fonder un réseau de renseignement en France occupée, alors que tout semblait perdu, alors que la peur paralysait les uns, que la résignation endormait les autres, que la collaboration s’organisait au grand jour.
Pour Rémy, résister était un devoir.
Pour ceux qui l’entourèrent, c’était une évidence morale.
La Confrérie Notre-Dame naquit ainsi, non pas dans une réunion politique ou militaire, mais dans un mouvement intérieur, presque mystique, où la foi personnelle du fondateur se mêlait à la vision stratégique d’un homme déterminé à rendre la liberté à son pays.
Dans la grande fresque de la Résistance, CND occupe une place unique :
un réseau né presque seul, devenu immense, structuré, efficace, d’une intelligence rare.
Mais aussi un réseau profondément humain, soutenu par des femmes et des hommes qui, chaque jour, risquaient leur vie dans l’ombre.
L’été 1940 plonge la France dans une désolation morale sans précédent.
Les chars allemands ont traversé le pays comme une lame rapide.
L’exode a vidé les routes.
Le régime de Vichy s’installe.
On murmure que « tout est perdu ».
On baisse les yeux devant les uniformes.
La résignation s’infiltre dans les foyers.
Mais au même moment, dans certains esprits, une autre clarté apparaît :
celle du devoir.
Rémy est de ceux-là.
Rentré en France clandestinement après son arrivée à Londres, il comprend que la résistance militaire ne peut réussir qu’à une condition : connaître l’ennemi, surveiller ses mouvements, comprendre ses défenses, cartographier ses installations.
Le renseignement devient donc l’arme principale.
Dans ce climat d’humiliation nationale, une poignée de citoyens se réveille.
François, pêcheur.
Lucien, facteur.
Marie, institutrice.
Des artisans, des étudiants, des prêtres, des photographes, des ouvriers.
Et plusieurs Decker : des hommes et des femmes de culture, de discipline, de loyauté.
Rémy n’a pas d’armée.
Pas d’armes.
Pas de financement.
Pas d’appui officiel au début.
Il n’a que lui-même, sa détermination, sa foi, et quelques amis prêts à le suivre.
Pourtant, il conçoit immédiatement le réseau comme une architecture vivante :
des cellules autonomes, des chefs responsables, des agents invisibles aux uns et aux autres, un noyau central chargé de transmettre les messages à Londres.
Il rentre clandestinement en France pour organiser le dispositif.
Il parcourt les gares, les ports, les villes, les campagnes.
Il recrute.
Il inspire confiance.
Il rassure.
Il galvanise.
Il installe une discipline stricte : le silence, la prudence, la vérification constante, la vigilance absolue.
Il comprend aussi que les femmes joueront un rôle essentiel.
Elles sont moins surveillées que les hommes, passent plus librement les barrages, attirent moins l’attention.
Il confie donc à sa propre famille des rôles centraux.
Maisie, sa sœur, devient le cœur administratif du réseau.
Madeleine, sa cadette, assure les transmissions internes.
Les Decker dispersés dans le pays deviennent des relais.
CND se structure, grandit, se déploie.
En quelques mois, ce qui n’était qu’une idée devient un organisme vaste, ramifié, combatif.
Entre 1941 et 1943, la Confrérie Notre-Dame devient l’un des réseaux les plus efficaces de France.
Des dizaines, puis des centaines, puis des milliers d’agents transmettent leurs rapports.
Les chemins de fer, les ports, les dépôts d’essence, les bases aériennes, les convois, les usines travaillant pour l’Allemagne, les batteries côtières, les sous-marins, les bunkers du Mur de l’Atlantique : tout est observé, noté, transmis.
Les rapports de CND sont si précis que le BCRA leur accorde une confiance presque totale.
Churchill lui-même, puis Eisenhower, reconnaîtront leur importance.
Grâce aux cartes, croquis, indications et chiffres transmis par CND, les Alliés sauront quelle portion du Mur de l’Atlantique bombarder, quelle division allemande se déplace, quel navire appareille.
Pour réaliser cela, d’innombrables anonymes risquent leur vie.
Parmi eux, les Decker, dont le métier de photographes facilite parfois la circulation, l’observation, l’écoute discrète.
Jacques et Jean s’engagent, chacun dans sa ville.
René transmet les informations.
Et pendant ce temps, dans l’ombre, Maisie et Madeleine assurent le fonctionnement du « cœur » du réseau.
La Confrérie Notre-Dame devient un organisme vivant, animé par une cause commune.
Mais plus le réseau grandit, plus il attire l’attention de la Gestapo.
En 1942, les arrestations commencent.
Une infiltration, une dénonciation, un fil tiré par l’occupant, et soudain les directions du réseau apparaissent à demi dans la lumière sinistre des bureaux de la Gestapo.
Les prisons se remplissent.
Les interrogatoires sont d’une brutalité extrême.
Les agents sont dispersés, affamés, battus.
Maisie et Madeleine Renault sont arrêtées, puis déportées à Ravensbrück.
Jacques et Jean Decker seront déportés à leur tour.
L’un mourra dans les camps.
L’autre mourra peu après son retour.
René, en Normandie, survivra miraculeusement.
Rémy, lui, parvient à échapper aux arrestations les plus graves, poursuivi dans toute la France comme un animal traqué.
Il continue, malgré tout.
Il transmet encore.
Il dirige, il organise, il réapparaît ici ou là pour remettre en marche ce que les Allemands ont détruit.
CND ne meurt pas.
Il se recompose.
Il renaît.
Il se reconstitue comme un organisme immortel, tant que des hommes et des femmes libres choisissent de lutter.
Lorsque la Libération arrive, une partie des membres est morte, une autre est détruite physiquement ou psychologiquement.
Mais leur mission n’a pas été vaine.
Leur action a permis de sauver des milliers de vies, d’accélérer le Débarquement, de libérer la France.
La Confrérie Notre-Dame n’est pas seulement un réseau de renseignement.
C’est une fraternité.
Une aventure humaine et spirituelle.
Un acte de foi dans la dignité humaine au moment où l’homme semblait s’effondrer.
Elle fut un phare dans la nuit noire de l’Occupation.
Elle fut un lieu où la liberté circulait comme un souffle, malgré les menaces, malgré la mort, malgré la terreur.
Elle fut constituée de femmes et d’hommes dont la plupart ne cherchèrent ni reconnaissance ni honneur, mais seulement la satisfaction intime d’avoir servi la vérité.
Rémy restera une figure immense, mais dans son ombre se tiennent des centaines de résistants, dont plusieurs membres de la famille Decker, qui ont payé de leur vie ou de leur santé leur fidélité à la France.
L’héritage de CND n’est pas seulement militaire.
Il est moral.
Il est spirituel.
Il est inscrit dans cette phrase que Rémy répéterait souvent :
« La liberté exige des actes, pas des mots. »
Ainsi se clôt ce chapitre consacré à la Confrérie Notre-Dame, l’un des plus impressionnants récits de courage collectif de la Seconde Guerre mondiale, et l’une des lumières les plus vives de l’histoire familiale.